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Jui. 05 23

Version imprimable Anayse de la crise du vin

par Jean-Marie Stoeckel

En Alsace, et parfois en "France de l'intérieur", tout le monde connait Jean-Marie Stoeckel, émérite sommelier. Il fut longtemps l'animateur de la "Winstub du Sommelier" à Bergheim, haut lieu de la générosité et du "manger bon". Pour l'heure, il analyse la crise du vin avec un regard politiquement incorrect que j'approuve sans hésitation.

"Dire que le monde du vin va mal, c’est asséner une vérité prévisible depuis un certain temps, mais qu’un aveuglement, conscient ou inconscient, essaie de masquer sur l’air de « Tout va bien Madame la Marquise »
Devant toute situation posant problème, il faut, comme en médecine, d’abord poser un diagnostic pour définir le remède. Malheureusement, un faux diagnostic amène toujours un mauvais remède.
On fait porter la faute à la loi Evin. Non contestable sur le fond, elle illustre ce qu’on fait souvent en France : une mauvaise loi avec une bonne idée. Mais cette loi n’est pas tout.
 

Quelques vérités sont bonnes à dire :
- Pourquoi la France est-elle le plus grand consommateur de whisky au monde ?
- Pourquoi est-il presque impossible de boire un verre de vin digne de ce nom dans un bistrot français, verre de vin dont le prix est toujours supérieur à une bière ou un anisé et servi dans un contenant plutôt destiné à la promotion de la moutarde ?
- Pourquoi ai-je payé 15 euros en juin 2005 une demi-bouteille de Morgon dans un établissement plus que simple à 30 km du lieu de production ?
- Pourquoi est-il si difficile de trouver un riesling léger et guilleret en commandant une carafe ; vin de carafe, terme devant évoquer le plaisir de boire mais prenant actuellement une connotation péjorative surtout parmi le professionnels . Vous avez dit professionnels ?
- Pourquoi une étiquette de vin de Bordeaux (et d’ailleurs) affirme trop souvent « vieilli en fût de chêne » pour mieux nous asséner un coup (goût) de planche. L’habit fait-il le moine ?
- La liste des pourquoi peut se conjuguer presque à l’infini.
 

La réponse se trouve plutôt dans une revue vinique belge ; Technorati que dans les publications hexagonales laudatives. Ses éditoriaux savent dire les choses comme elles sont.


- Les restaurateurs, le regard braqué sur le compteur des coefficients, auraient intérêt à se former à l’approche du vin.
- Les vignerons devraient être aussi fiers de leur vin d’entrée de gamme que de leur vin de prestige.
- Les sommeliers ont-ils une âme de missionnaire pour parcourir le désert des connaissances œnologiques des Français ? Ces Français qui en pensant que les dites connaissances œnologiques font partie de leur code génétique et dénigrent les autres. L’orgueil est mauvais conseiller.
- Mais c’est bien nous qui consommons les Portos de bas de gamme en apéritif, qui ne connaissons de l’Italie que les fiasques empaillées!
- Pendant ce temps, nos voisins de l’autre rive du Rhin servent les vins de carafe (encore eux) dans un verre digne de ce nom sur un petit plateau argenté.
- Nous affirmons que nous avons les plus grands vins de la planète. Et alors…d’avoir de grandes écoles n’évite pas l’illettrisme d’une bonne partie de la population
- Il nous faut des locomotives. Mais sans wagons, il n’y aura jamais de train.
- C’est de la bonne moyenne de la majorité des vins, du vin quotidien qu’il est question. Quand le corps médical préconise 2 à 3 verres de vin par jour, quelle est la qualité de ce vin ?

Osons nous aventurer à nommer les vrais responsables de cette situation
- le consommateur
- le professionnel du vin (toute la chaîne)
- le professionnel de la restauration

Les trois groupes savent-ils déguster ? Ou se contentent-ils de bouteilles aux écritures alléchantes ou décorées comme la poitrine d’un général russe ?
Le prix est-il le seul critère ?


Chacun a sa part.
C’est en les regardant dans les yeux que nous voulons leur dire de ne pas tout gâcher et qu’on aimerait que ça change.
Pour cela, commençons par nous.


Je goûte les vins depuis 1959. Mon parcours professionnel m’a conduit du bistrot au trois étoiles, de la limonade à la Romanée-Conti. Ce qui me permet de plaider pour le vin que je bois tous les jours, celui que je vais partager avec mes amis, celui qui ne contiendra pas de composants néfastes à ma santé, celui qui respectera celle de la Terre de nos successeurs, celui qui sera aussi à la hauteur de mes moyens financiers, celui qui est inaccessible aux snobs, en un mot, celui de classe moyenne pour les classes moyennes, ces classes appelées soi-disant à disparaître.
 

Tous les grands vins doivent être de bons vins mais tous les bons vins ne sont pas obligatoirement de grands vins.

A votre santé (au sens premier)"



Jean-Marie Stoeckel
sommelier
 

Ce texte, reproduit avec l'accord de son auteur, est tiré du site officiel de l'Union des Sommeliers de France.


Jean-Marie Stoeckel, meilleur sommelier de France 1972 a travaillé chez quelques grands chefs français avant d'acquérir "la Winstub du Sommelier" à Bergheim. Il y proposait une cuisine simple et généreuse concoctée par son épouse (dites, Geneviève, vous me donneriez votre recette de pâté en croûte dont j'ai un souvenir vraiment ému ?). Ces plats étaient accompagnés de vins délicieux, des "grands" et des "vins de soif" qu'on avait rarement l'occasion de choisir, Jean-Marie étant un maître des accords mets et vins. Assez récemment, la famille Stoeckel s'est déplacée à quelques dizaines de kilomètres, dans la montagne, au pied du Château du Haut-Koenigsbourg, à Thannenkirch où ils ont ouvert un gîte délicieux :

la Sapinière. Souhaitons leur tout le bonheur qu'ils méritent.

 


 

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